Dernier acte
Deux jours avant le drame, Maxime va voir Mr D, son ancien patron, et lui demande de le reprendre, mais celui-ci, craignant des représailles de « l’autre fou » (André), refuse. « Il va encore me faire des saloperies » ajoute-t-il. Une illustration de plus de la crainte qu’inspirait André dans son village, et une occasion manquée pour Maxime, qui n’aurait peut-être pas été jusqu’au bout de sa folie s’il avait pu réintégrer la ferme de Mr D, qui était un environnement stabilisant pour lui. L’agriculteur lui prodiguera toutefois de bons conseils, à savoir passer son permis de conduire et trouver du travail en dehors du village, pour oublier Maïté et commencer une nouvelle vie. Lorsque Maxime lui répond qu’il ne peut pas la laisser car elle est en danger, l’agriculteur lui dit que si c’est vraiment le cas, ce n’est pas à lui de s’en occuper mais aux autorités compétentes. « J’ai bien dit ? » demandera-t-il à la Présidente. (Lors d’une pause d’audience, moi je lui ai dit que oui.)
Maxime cherche alors de l’aide auprès de sa sœur Chloé, qui semble avoir un regard juste et une bonne influence sur lui. Il tente de retourner chez André avec elle, mais devant la réaction négative de la famille, elle le dissuade d’insister et le ramène chez eux. Elle lui conseille de se calmer et de se reposer, et de ne plus y retourner. Mais Maxime a déjà atteint le point de non-retour.
La veille du drame, il se rend chez un ami en compagnie de son meilleur ami et de son père. Les détails ne sont pas connus car personne n’a témoigné à la barre sur cet épisode, mais il ressort de l’enquête que l’ami chez qui il s’est rendu a remis une arme à Maxime. Son père, présent, est nerveux et lui demande ce qu’il veut en faire.
« Je ne suis pas comme toi, moi ! Jamais je ne tuerai quelqu’un ! » lui lance son fils.
A ce moment-là tout se joue. Le fils fait face au père et à son crime, à la racine du mal. Un mal qui l’empoisonne et le tourmente depuis l’enfance, et dont personne ne l’a aidé à guérir. Mais même à ce moment-là, alors que Thierry sait très bien que son fils va mal (Maïté l’avait appelé quelques jours auparavant pour lui demander de convaincre Maxime de ne plus revenir chez elle car elle avait peur qu’il « fasse une connerie »), même à ce moment-là donc, Thierry ne fait pas ce qu’il aurait dû faire depuis des années, à savoir éloigner son fils des armes et lui expliquer que la violence ne menait à rien de bon. Il aurait dû le calmer, le rassurer, lui dire qu’il était là pour lui et que ça irait. Il aurait pu le prendre dans ses bras et le soulager de ce fardeau si lourd qu’il portait depuis si longtemps.
Las.
Quelques heures plus tard, Maxime G-G quittera la ferme de sa mère et parcourra les trois kilomètres qui la sépare de celle d’André à pied, dans la neige, à travers la forêt.
Était-il armé à ce moment-là ? Il n’y a aucune certitude. Ce qui est sûr, c’est qu’il était en état de panique. « Il avait un sentiment de peur envahissant d’André », explique la psychologue à la barre.
Maxime s’approche de la ferme à la faveur de la nuit. Il dit qu’il va chercher une arme dans la grange – une de ses armes qu’il avait entreposée là quelques temps auparavant car sa mère n’en voulait pas chez elle.
Il se dirige vers le garage éclairé, il entre, pose l’arme contre le mur à côté de la porte, s’avance et surprend André qui est en train de se préparer pour la traite du soir.
A la vue du jeune homme, le patriarche est furieux : « Qu’est-ce que tu fous ici sale gamin de merde ? Ça y est c’est le jour J, tu vas mourir ! » hurle-t-il en fonçant vers lui.
Au passage – toujours selon le récit de Maxime, qui est le seul témoin vivant de la scène – André saisit une hache.
Maxime recule, paniqué, jusqu’à la porte.
André lève la hache.
Maxime saisit son arme (chargée) et tire
André, touché au thorax, s’écroule et appelle son épouse à l’aide
Maxime tire une seconde fois sur André, en pleine tête.

André git inerte sur le sol de son garage, et Maxime, toujours en ébullition, se saisit d’un manche en bois et frappe son beau-père, son patron, le cowboy, cette figure patriarcale menaçante qui lui a tout donné, puis tout repris.
Alertée par les cris, Mireille descend au garage et se retrouve face à un jeune homme qu’elle ne reconnait plus. Dans sa transe, il la frappe violemment à la tête au point qu’elle perde brièvement connaissance. Lorsqu’elle reprend ses esprits, elle remonte affolée dans l’appartement.
Pendant ce temps, Maïté, alertée par les coups de feu, arrive au garage depuis le hangar où sont les vaches et tombe nez à nez avec le corps ensanglanté de son père, et Maxime qui crie « Ça te fait du bien hein ? ». Voyant Maxime qui le frappe, elle s’interpose et reçoit plusieurs des coups destinés à son père. « A un moment j’ai cru que j’allais mourir, mais avant je voulais voir ma mère une dernière fois » raconte la jeune femme, émue, à la barre. Elle « abandonne » alors son père et suit les traces de sang de sa mère jusqu’à l’appartement. Arrivée en haut, elle trouve Mireille hébétée et sanglante avec le téléphone fixe à la main. Maxime, qui l’a suivie, s’empare de l’appareil et le jette violemment au sol. Les deux femmes terrorisées pensent que leur dernière heure a sonné, mais Maxime repart vers le garage, obnubilé par André. Maïté en profite alors pour saisir un deuxième combiné et le cacher dans sa manche, avant de monter à l’étage pour appeler les secours.
Il y aura quatre appels en tout, et ce qui se passe pendant les deux heures qui précèdent l’intervention des gendarmes est lunaire : Maïté tente de calmer Maxime en le prenant dans ses bras et en lui disant qu’elle l’aime, que ça va aller (précisément ce qu’aurait dû faire son père la veille…). Sorti de sa transe, Maxime déambule dans la maison, comme sonné. Il nettoie le sang de Mireille par terre car il sait que Maïté n’aime pas ça. Elle lui demande « Qu’est-ce que tu as fait ? », il lui répond « J’ai fait ça pour toi ». Il lui dit qu’il l’aime, il pense qu’ils vont pouvoir reprendre leur vie tranquillement, sans qu’André puisse leur mettre des bâtons dans les roues. Il croit sincèrement qu’il vient de « sauver les femmes » du tyran André. Puis il dit qu’il voudrait un verre d’eau et elle lui dit d’aller le chercher dans la cuisine. Tandis qu’il s’exécute, Maïté regarde sa mère qui lui adresse un signe de tête silencieux : « Vas-y, sauve-toi ». Maïté sort de la maison et court en direction des gendarmes qui sont postés au bout du chemin. Maxime la suit, et il est interpellé sans violence.

Il semble toujours hébété – il est en réalité en état de sidération, un état normal dans ce genre de cas. Ça ne bouillonne plus, c’est le retour au calme dans sa tête et dans la nuit hivernale. Mireille rejoint sa fille et lui annonce que son père est mort. Le cow-boy n’est plus.
Maxime a tué le père ; mais en s’en prenant à André, il a puni son propre père en répétant son crime, au geste près, 10 ans après lui. « Sa vérité » (dixit Mme Fournier), c’est qu’il a tué un père violent avec sa femme et sa fille, et qu’il a sauvé ces femmes. Ce qu’il n’a pas pu faire 10 ans auparavant, laissant sa mère, sa cousine et sa sœur à la merci de la violence de son père, qui finira par commettre l’irréparable et achèvera de détruire sa famille.
Maxime lui a demandé à propos du meurtre de son grand-père « Pourquoi tu as fait ça ? Pourquoi tu n’as pas pensé à nous ? » mais Thierry ne lui a jamais expliqué, pas plus qu’il ne s’est excusé de les avoir « abandonnés », et Maxime avouera que ça lui aurait fait du bien… Thierry a bien versé des larmes de crocodile en témoignant à la barre, disant que s’il n’avait pas fait ce qu’il avait fait, Maxime ne serait pas là aujourd’hui. C’est certain, mais en est-il vraiment convaincu ?
Après le drame
La détention provisoire
La détention de Maxime se passe plutôt bien. Le jeune homme est calme et a de bons rapport avec ses codétenus et les surveillants. Il travaille dans un atelier où il fait du bois (ce qui se rapproche le plus de ce qu’il aimait faire quand il était dehors), il est consciencieux, et il a même été promu contremaitre.
Durant sa première année d’incarcération, Maxime a fait trois tentatives de suicide et a dû être placé en unité psychiatrique pendant un temps. « Je ne voulais pas que [son crime] existe, je préférais abandonner l’idée de devoir faire face à ça » dira-t-il. On lui prescrira un traitement médicamenteux lourd, qu’on donne généralement aux gens qui viennent de subir un énorme choc. Et dans un sens, c’est ce qui s’est passé. La psychologue parle de « traumatisme de répétition » (en rapport au traumatisme vécu dans son enfance, à la mort de son grand-père) ; en clair, Maxime a revécu ce traumatisme, avec toutes les émotions violentes et difficiles à gérer qu’il implique, lorsqu’il a tué André.
Au début de sa détention, il est obsédé par l’idée de sortir pour aller retrouver Maïté. Il n’a pas encore pris conscience de ce qu’il a fait et du fait qu’il va sans doute rester longtemps en prison pour ça. Il ne réalise pas non plus que Maïté est traumatisée et qu’elle n’a aucune envie de le revoir. Mais après tout pourquoi pas – sa mère a bien continué à faire comme si elle était encore en couple avec son père (pour le bien des enfants…) alors qu’il avait tué son propre père ! Il faudra du temps et un travail psychologique régulier et sérieux à Maxime pour comprendre tout ça et accepter la réalité, mais selon les médecins qui l’ont examiné en détention, il est accessible aux soins et il a toutes les chances de se remettre sur les rails psychologiquement. Il restera néanmoins toujours un sujet à risque pour le traumatisme de répétition, il aura donc besoin d’un suivi psychologique sur le long terme pour qu’on l’aide à déceler et à gérer les évènements susceptibles de le faire basculer.
La psychologue et le psychiatre qui l’ont examiné en détention s’accordent à dire que Maxime a un profil frustre, c’est à dire qu’il est plutôt impulsif et ne réfléchit pas forcement avant d’agir. Il a un tempérament fort qui peut faciliter le passage à l’acte, mais il n’a pas de profil psychopathique ou pervers. Il est capable d’être calme et réfléchi, mais il a tendance à se mettre en colère et à devenir violent quand il pense qu’il va y avoir un drame. Cela concorde avec le comportement-type d’un abandonnique, renforcé ici par l’attitude peu rassurante de la mère de Maxime qui critiquait André et répétait sans cesse qu’il y allait « avoir un drame » à cause de lui. Cette attitude a contribué à mettre Maxime en alerte et à percevoir son beau-père comme une source de danger. Maxime est « polytraumatisé », le choc du meurtre de son grand-père a fait exploser son mental en un amas de débris à reconstruire – sans aide, refusée par sa famille. « Il a fait ce qu’il a pu » ajoute Mme Fournier, mais « il est brisé ». Selon elle, il exprime des regrets sincères par rapport à son geste. Il n’est pas menteur ; « Il n’y a pas de malice en lui » conclue-t-elle.
C’est en effet l’impression que donnera Maxime à son procès.